Retrouver nos filles dans un éclat de soleil

Publié le par Camille V

Bonsoir,
J'ai découvert votre livre et l'histoire de votre fille Marie-Kerguelen il y a environ 2 ans. Habitant St Maur, nous avions entendu parler de vous et cela nous avait incités à acheter votre livre qui nous avait beaucoup émus.
Il y a 5 mois, je me suis retrouvée enceinte, très étonnée de l'être car nous avions eu du mal à concevoir notre 1er enfant, Apolline qui a aujourd'hui 2 ans.
C'est une grande surprise, un très grand bonheur. Mais cette grossesse ne se passe pas très bien. Je me retrouve à de nombreuses reprises à avoir des hémorragies abondantes. Je reste cependant pleine d'espoir car j'ai déjà vécu cela pour ma 1ère fille, et elle a tenu le coup.
Le 3 juillet dernier, le jour de mon anniversaire, je sens que ça recommence à couler... Je crois à nouveau avoir une hémorragie, mais je me rends vite compte que le liquide est plus clair, que je perds les eaux...

Entre le 3 et le 6 juillet, je vais me battre pour ma 2ème fille. Les médecins souhaitent que je prenne de la mifégyne* pour arrêter son coeur, pour moi il est hors de question de faire cela, je ne veux pas la tuer. Je la sens encore vivre en moi, je n'ai pas l'impression qu'elle est dans une si grande souffrance. Et même si elle souffre, tue-t'on un être humain parce qu'il souffre?
Je sais qu'il n'y a plus d'espoir qu'elle soit vivante à terme, je n'en suis qu'à 4,5 mois de grossesse. Mais je voudrais qu'elle me quitte de sa propre décision, que les contractions reprennent et qu'elle naisse naturellement.

Le 6 juillet, les médecins me posent un ultimatum.
Ils me disent qu'il serait plus généreux de prendre la mifégyne* plutôt que de laisser ma fille continuer à vivre dans ces conditions. Ils me menacent des pires infections, qui me feraient perdre mon utérus, voire faire une septicémie et qui sait perdre la vie?...
Ils me disent que je me trompe, qu'à ce terme, je n'accoucherai pas d'un bébé qu'on a envie de prendre dans ses bras, que j'accoucherai d'un foetus...
Au final, je refuse la mifégyne*, mais j'accepte de relancer médicalement les contractions. 
Le travail est donc lancé le 6 juillet dernier, en début d'après-midi.
Pendant tout l'accouchement, je sens ma fille encore vivante, je l'accompagne comme je peux, de ma voix et de mes mains. J'aimerais tant adoucir ses souffrances. Mon mari aussi est là, nous avions fait de l'haptonomie, de temps en temps il pose ses mains pour sentir sa petite fille et lui transmettre son amour.
Les contractions sont de plus en plus fortes, je sens son petit corps heurter à chaque fois le col encore fermé. J'ai tellement mal pour elle.
Et puis, peu avant sa naissance, je ne la sens plus du tout bouger... Et je comprends qu'elle nous a déjà quittés.
Elle est née le 7 juillet, à 1h07, déjà décédée. Avec mon mari, nous avons décidé de la voir, de la revoir le lendemain.
Nous avons pris quelques photos. 

Les médecins se sont trompés, elle était déjà un être humain à part entière et j'ai eu envie de la prendre dans mes bras, de l'embrasser, unique câlin à mon 2ème enfant.

Je n'avais pas atteint les 22 SA, mais grâce à une sage-femme humaine, nous avons triché sur la date et elle a pu être inscrite à l'état civil. Nous l'avons prénommée Clémence.
Nous avons pu aussi l'enterrer, le 18 juillet, il y a 2 jours.
A ma sortie de l'hôpital, j'ai repris votre livre... Je ne me souvenais plus des circonstances de la fin de la vie de votre fille. Quel étonnement quand j'ai vu que nos 2 enfants avaient quitté notre monde d'une façon si proche.
Je me suis sentie encore plus solidaire par rapport à vous. Quand il y a 2 ans j'ai lu votre histoire pour la 1ère fois, je n'aurais jamais imaginé en vivre une si proche un jour.
Je sais que j'ai beaucoup de chance, j'ai une fille sur terre, et une fille dans le ciel, cela a élargi mon horizon.

Pendant mon hospitalisation, je me souvenais d'un passage de votre livre. Celui où vous décrivez la façon dont vous aviez retrouvé votre fille dans un éclat de soleil. 
Cela m'a aidée à tenir bon, pour au moins ne pas prendre la mifégyne*. Je savais que si j'avalais ces fameux comprimés, je ne parviendrais jamais à retrouver ma fille dans un éclat de soleil... J'avais tant besoin de me dire que je pourrai la retrouver dans les beautés de ce monde.

Je me suis sentie reliée à elle tout au long de ses 3 jours de sursis et pendant l'accouchement. Ces journées étaient indipensables... Les médecins n'ont rien compris...
C'est grâce à ces derniers moments que je me sens apaisée aujourd'hui.
J'aime à imaginer que ma fille a retrouvé la vôtre, et tous ces touts-petits partis prématurément.

Merci pour votre témoignage, il rend ma souffrance légitime, par rapport à certaines personnes de mon entourage qui ne comprennent pas, qui trouvent que 4,5 mois de grossesse, ça n'est pas grand chose...

Merci de m'avoir lue

Camille V

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